Les profiteurs
Etre dans l'instantanéité est le propre de ceux qui veulent instituer une politique de l’amnésie. Faire oublier les maux de la veille, en rajoutant d'autres mots chaque jour dans l’unique but de voiler les analyses et les rendre obsolètes.
Quel média serait aujourd’hui susceptible de rappeler les 200% d’augmentation de salaires du président, les retraites des députés, la politique de « civilisation », Kadhafi, Ben Ali et les tâches rouges laissées sur des contrats militaro-industrielle.
Si internet est, de fait, un outil de réactivité nous ne devons pas constamment nous dévoyer à cette précipitation. C'est d’une leçon de football dont il faut s’emparer, dans laquelle il est dit qu’il ne faut jamais confondre, vitesse et précipitation.
Le marché est à cet égard le plus impétueux de tous. C’est un instinct pour préserver son avantage. L’avantage des profiteurs, comme les profiteurs de guerre chaque fois plus prompte à dompter les relations internationales et à les maintenir dans le giron du conflit permanent.
L’Union Pacifiste, ainsi que le rappel le dernier numéro de l’indispensable Politis, s’en fait une nouvelle fois l’écho et publie un ouvrage sur la question.
A la veille du salon Eurosatory, organisé sous la haute autorité du ministère de la défense, qui sait vraiment que Sodexo, leader mondiale dans la restauration, fournie via sa branche défense, tous les services de base à l’OTAN et autre Marines américains (blanchisserie, gestion des déchets, constructions amovibles…). Que des banques comme la BNP et le Crédit Lyonnais sont susceptibles d’octroyer des prêts pour l’achat d’armes ou encore que Renault Trucks Defense « présent dans plus de 100 pays », dixit sa brochure, « assure un service après vente au plus près des clients »…par dessus les monceaux de bras, de jambes et d’âmes mortes.
Car si il apparaît aisé de pointer EADS, Bouygues, Thalès... il faut comprendre que derrière les marchands d'armes se cache aussi les fournisseurs d'équipements divers et autres fournisseurs de services aux armées.
Ainsi et comme le souligne War Resisters' International « on peut penser que l'armée israélienne serait un moins bon client de Caterpillar, une société de bulldozer en tous genres, si le conflit israélo-palestinien n'incluait pas démolitions d'habitations et constructions de murs de séparations ».
Des vautours se gageant bien de communiquer sur leurs activités lucratives, sans quoi la photo de famille du marché de la mort ne serait pas complète.
Faire oublier…faire oublier
Dans le même registre guerrier, les forces de l’ordre ne sont pas en reste. Le Figaro rappelait samedi que les tenues de la police vont faire l’objet de sérieuses améliorations. Et pour 1millions d’euros, le ministère de l’intérieur prévoit de s’équiper pour faire face aux « guérillas urabaines ».
En attendant de voir survoler des Drones par dessus les coursives d’immeubles, la police s’équipera bientôt de pistolets à impulsion électrique. Fini les guimbardes molles des moi de mai, qui avaient fait près de 2000 blessés dans les rangs des forces de l’ordre, des tenues ignifugés recouvrerons bientôt les uniformes pour parer aux attaques de cocktails molotovs et des fusils à crosse pliable pouvant tirer des balles de caoutchouc à plus de 40 mètres finiront de régler son compte à la police de proximité.
A 40 mètres quels dialogues, quelles perceptions des choses, des hommes, des âmes et des évènements peut on bien avoir ? ? ?
Etre dans l’instantanéité. Faire oublier les maux, les bavures, la ségrégation des territoires, la stigmatisation et rajouter de nouveaux stigmates par dessus les corps.
Derrière la misère restent tapi ce lot de profiteurs et si on ne doit guère s'étonner de la modernisation des outils de répression dans un monde qui tente de sécuriser ses acquis moyennageux (dictateur, rentes, propriété privé, domination d’une classe...), dans un contexte de crise économique internationale (ou quelque part nos idéaux trouvent une certaine jubilation), comment accepter cette indécence sans être à notre tour dans l’instantanéité et crier…à mort les profiteurs !