Une fois, un jour
Nos mots ont un sens.
Même déroutées. Ils frappent la mélancolie de nos nuits et viennent
s’étaler par dessus les torses bombés de nos écrans. Même pas peur des
torses musclées. Car chaque fois, chaque jour, nous recommençons.
Refusant de collaborer à l’aval des académies, nous en inventons
d’autres. Des mots qu’ils ne pourront jamais comprendre. Des mots
empruntés. Gratis. Des mots que nous reprenons à ceux qui sont tombés
par terre. Une fois, un jour, sur une barricade, un extincteur rouge
aux bouts des mains, les uns derrières les autres chacun agrippe une
lettre. Chacun reprend une poésie et cette apostrophe qui pourra cogner
un mur. Et peut être même l’effondrer. Parce que nous sommes au bord de la crise de nerfs.
Crise de l’air que l’on ne respire plus correctement à grande bouffées.
Crise qui crisse sur l’asphalte et leur fait mal aux oreilles. Nos mots
sont des cris. Parce que nous avons le feu à vif. Vive le feu et brûle nos fronts de « cette fièvre que nous ne négocierons jamais Lola Lafon ».
Parce qu’au choix, ils ne nous ont laissés que l’embarras. Qu’importe, nous resterons cyniques, de chroniques, d’humeurs et pour tout ce que cela peut valoir de rester une plume empressée
de tâcher. Tâcher l’écran. Tâcher le monde propre de mots crasseux. Des
mots bâti, pour la cause, la peine et dans la joie. Comme eux ont
bâti des cathédrales et des casernes. Des hypermarchés et des bunkers
dans nos horizons. En 20 siècles. Des milliers de jours à tenter
d’essayer de nous faire rompre. De nous courber l’échine. A devenir
cette dose infinitésimale de contestations. Petits Poucets
perdu dans les marécages du capitalisme. Qu’importe, nous nous
échapperons. Car nos mots sont aussi des ponts transversaux. Qui vont
loin. Et nous irons loin, même si, hélas, ce n’est pas à Liège. Car nos mots sont des ponts, alors Liège viendra à nous. Et tout se rapprochera à mesure de mots. Parce que les frontières sont des prisons que protègent les cons. Oui, les frontières sont des prisons d’une époque de cons à liquider, pour rêver de nouveau. De nouveaux rêver des mots. Encore une fois. Un jour.